Behind the bars, Edward Smyth Jones

Dans une prison

Je suis un pèlerin loin de ses terres,
Tel Mars, un vagabond,
Et pensais pas que d’mon exode le terme,
Serait de finir dans une prison !

Je quittai le Sud, le soleil, ma terre,
Sous l’argentée constellation ;
En route vers le nord, voilà que j’erre
Sans rêver de barreaux de prison.

Je voulais m’élever, vivre en fidèle,
Pas faire de Mars mon patron ;
Mais Destin avait tissé de querelles
Ma toile dans une prison !

Ma maman, son humble nid de chaume,
Remue mes plus nobles émotions ;
Et je voulais de sa vie être le baume,
Mais pas d’une cellule de prison !

On dit, pour sûr, que le poète apprend,
Des souffrances et des Ilions,
A chanter des pires brûlures le chant,
Derrière les barreaux d’une prison !

Aussi je m’en remets aux Parques,
Malgré les rides à leur front,
Elles m’ouvriront grand les portes,
Bientôt de cette prison.

Je t’en conjure, cher prochain,
Pour celles et ceux qu’use le goudron,
Prête main forte, ne serait-ce qu’un rien,
A nous autres dans cette prison.

Oh Dieu, vers Toi je souffle mon appel,
Qui jamais l’égaré ne confonds :
Délivre chaque âme immortelle,
Derrière ces barreaux de prison !
Behind the bars*
by Edward-Smyth Jones (1881-1968)
The Sylvan Cabin, p.84.

 

Savoir qu’un homme fut envoyé en prison parce qu’il était animé d’un désir ardent d’aller à l’université, et que ce désir nécessitait de vagabonder durant des milliers de kilomètres dans la faim et la poussière, renforce l’intérêt que l’on porte à l’homme et ne peut manquer de jeter une puissante aura autour du poète. La poésie est faite d’expérience, l’expérience des rêves, des actes, des désirs et des espoirs égarés sur les eaux insondables des circonstances ; dans ces dernières, le rêve sert de guide, et l’homme dont l’art devient une expression de tout ce qu’il a réalisé de son vivant, ses expériences représentent bien plus que de l’art, elles sont la subtile restitution d’une réalité que l’on appelle vérité.

William Stanley Braithwaite,
Boston, le 5 avril 1911.
(Extrait de l’introduction au recueil)

* Merci à Mohamed Mbougar Sarr, Tatiana Bordas et Cécile Déniard pour leur contribution à la traduction de ce poème et de l’extrait.

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